Fleur de magnolia
(Magnolia blossom)
Sous l’horloge de Victoria Station, Vincent Easton attendait. De temps à autre, il levait les yeux vers l’horloge, mal à l’aise, en se disant : « Combien d’hommes avant moi ont-ils attendu ici une femme qui ne venait pas ? »
Brusquement, une vive angoisse lui étreignit le cœur.
Et si Théo ne venait pas ? Si elle avait changé d’avis ? Ce serait bien typique d’une femme ! Est-il sûr d’elle ? A-t-il jamais été sûr d’elle ? Au fond, sait-il la moindre chose à son sujet ? Ne l’a-t-elle pas toujours intrigué, depuis le début ? Il y a deux personnages en elle : la femme charmante et rieuse, épouse de Richard Darrell – et puis l’autre, silencieuse, pleine de mystère, qui s’est promenée à ses côtés dans les jardins de Haymer’s Close. Une fleur de magnolia. Voilà ce qu’elle évoque pour lui. Sans doute parce que c’est sous un magnolia qu’ils ont savouré leur premier baiser, aussi délicieux qu’incroyable. L’air fleurait le parfum sucré du magnolia et deux ou trois pétales s’étaient détachés, veloutés et odorants, pour se poser sur ce visage qui se tournait vers lui, aussi crémeux, aussi doux et silencieux qu’eux. Fleur de magnolia… exotisme, senteurs, mystère…
Cela remontait à quinze jours – ce n’était que la deuxième fois qu’il la rencontrait seul à seule. Et là, il attendait qu’elle le rejoigne pour toujours.
De nouveau, l’incrédulité le transperça. Elle ne va pas venir. Comment peut-il y avoir cru ? Elle devrait renoncer à tant de choses ! Il est inimaginable que la belle Mrs Darrell puisse faire cela sans éclat : on en ferait immanquablement des gorges chaudes et le scandale serait tel qu’ils ne parviendraient jamais à le faire oublier complètement. Il existe des moyens mieux indiqués, plus efficaces de faire ce genre de choses : un divorce discret, par exemple.
Mais ils n’avaient pas songé une seconde à tout cela. Lui, du moins, n’y avait pas songé. Et elle ? Il n’a jamais rien su de ses pensées. C’est d’une façon presque timorée qu’il lui avait demandé de partir avec lui – car que représentait-il, après tout ? Rien de spécial. Il n’était qu’un producteur d’oranges comme il y en a mille autres, au Transvaal. Quelle vie avait-il à lui offrir, en comparaison de l’existence brillante qu’elle menait à Londres ? Mais il la désirait tellement qu’il n’avait pas pu s’empêcher de lui poser la question.
Elle avait consenti très calmement, sans hésiter ni protester. Comme s’il lui avait demandé la chose la plus naturelle du monde.
— Demain ? avait-il ajouté, tout surpris, sans y croire.
Et elle avait promis, de cette voix douce et brisée qui ressemblait si peu au timbre haut et argentin dont elle usait pour les mondanités. La première fois qu’il l’avait vue, il l’avait comparée à un diamant – à un noyau de feu étincelant qui reflétait la lumière par mille facettes. Mais à l’instant du premier contact, du premier baiser, le diamant s’était miraculeusement transformé en une perle aux douceurs de nuage. Une perle pareille à une fleur de magnolia, d’un rose crémeux.
Elle avait promis. Et il attendait qu’elle tienne sa promesse.
De nouveau, un coup d’œil vers l’horloge. Si elle n’arrive pas bientôt, ils vont manquer leur train.
Et, de nouveau, un remous douloureux en lui. Elle ne viendra pas. C’est évident. Quelle folie de sa part que d’y avoir cru ! Qu’est-ce qu’une promesse ? En rentrant chez lui, il trouvera une lettre où elle lui expliquera sa décision et protestera en disant tout ce que disent les femmes pour faire excuser leur manque de courage.
La colère montait en lui – la colère, et l’amertume de la déception.
Tout à coup, il l’aperçut qui se dirigeait vers lui, un léger sourire aux lèvres. Elle marchait lentement, sans hâte ni nervosité, comme quelqu’un qui aurait toute l’éternité devant soi. Elle était vêtue de noir – une robe noire, souple et moulante, avec un petit chapeau noir qui encadrait la merveilleuse pâleur crémeuse de son visage.
Il lui étreignit la main en balbutiant stupidement :
— Tu es venue ! Tu es quand même venue !
— Bien sûr.
Que sa voix était calme ! Qu’elle était calme !
— Je pensais que tu ne viendrais pas, dit-il en lui lâchant ta main et en respirant fort.
Elle ouvrit les yeux – des yeux immenses, superbement beaux. Et il y lut de la surprise, un étonnement d’enfant.
— Pourquoi ?
Il ne répondit pas, Se tournant de l’autre côté, il héla un porteur qui passait. Ils n’avaient pas beaucoup de temps. Les minutes qui suivirent ne furent que bousculade et confusion. Enfin, ils se retrouvèrent dans leur compartiment réservé, et la grisaille du sud de Londres défilait à la fenêtre.
Théodora Darrell était assise en face de lui. Enfin elle était sienne ! Il comprenait à présent à quel point il avait été incrédule, jusqu’à la toute dernière minute. C’est qu’il n’osait pas y croire ! Ce côté magique, insaisissable qui la caractérisait l’effrayait. Il lui semblait impossible qu’elle lui appartînt jamais.
Maintenant, le suspense était terminé. Le pas décisif avait été franchi. Il la regarda. Elle était appuyée dans le coin, immobile. Sur ses lèvres flottait encore un souvenir de sourire. Ses yeux étaient baissés, ses longs cils noirs balayaient la courbe laiteuse de sa joue.
« Qu’a-t-elle en tête en ce moment ? se demanda-t-il. À quoi pense-t-elle ? À moi ? À son mari ? Et, au fait, que pense-t-elle de lui ? L’a-t-elle aimé, jadis ? N’a-t-elle jamais rien éprouvé pour lui ? Lui inspire-t-il de la haine, ou seulement de l’indifférence ? » Tout à coup, une pensée le traversa, plus douloureuse : « Je ne sais rien. Je ne saurai jamais rien. Je l’aime – et je ne sais rien d’elle. Ni ce qu’elle pense, ni ce qu’elle ressent. »
Son esprit se rabattit sur le mari de Théodora Darrell. Il connaissait des quantités de femmes mariées qui ne se montraient que trop heureuses de parler de leurs maris : ils ne les comprenaient pas, ne se souciaient guère de leur affectivité pourtant tellement plus raffinée… Il songea avec cynisme que c’était l’une des façons les plus courantes d’engager la conversation.
Mais Théo, elle, ne parlait jamais de son mari qu’en termes vagues. Easton ne savait de lui que ce que tout le monde en savait : qu’il était populaire, fort bel homme, direct, d’un contact agréable. Que tout le monde l’aimait. Et que sa femme paraissait s’entendre à merveille avec lui. « Cela ne prouve rien, songea Vincent. Théo est bien élevé, jamais elle ne laisserait deviner ses griefs en public. »
À lui non plus, elle n’avait jamais rien révélé. Depuis le soir de leur deuxième rencontre, ce soir où ils s’étaient promenés en silence dans le jardin, côte à côte – leurs épaules se frôlaient et il sentait l’imperceptible tressaillement qui la saisissait à son contact –, il n’y avait jamais eu d’explication. Leur situation n’avait pas été définie. Elle lui rendait ses baisers, muette et tremblante, dépouillée de cet éclat dur qui, avec sa beauté d’ivoire et de rose, avait contribué à la rendre célèbre. Pas une seule fois elle n’avait évoqué son mari. Au début, Vincent lui en avait été reconnaissant, heureux que lui soient épargnés les discours que prononcent les femmes pour se persuader elles-mêmes ainsi que leurs amants qu’elles ont raison de céder à leur amour.
Mais maintenant, cette tacite conspiration du silence commençait à l’inquiéter. Une fois de plus, la panique l’envahit : il ne savait rien de cette créature étrange qui liait de son plein gré sa destinée à la sienne. Il avait peur.
Mû par un besoin subit de se rassurer, il se pencha en avant et posa la main sur son genou vêtu de noir. De nouveau, il la sentit tressaillir légèrement. Il tendit le bras pour lui prendre la main, puis, se baissant, il posa au creux de sa paume un très long baiser. Il sentit les doigts fins presser les siens. Levant les yeux, il rencontra son regard et se rasséréna.
Il se redressa et s’appuya au dossier de la banquette. Il ne lui en fallait pas davantage pour l’instant. Ils étaient ensemble. Elle était à lui. Et c’est d’un ton léger, presque badin, qu’il lui dit :
— Comme tu es silencieuse !
— C’est vrai ?
— Mais oui. (Il attendit un peu, puis ajouta d’une voix plus grave :) Tu es sûre que… tu ne regrettes pas ?
Elle écarquilla les yeux.
— Oh ! absolument pas !
Il ne douta pas de cette réponse aux accents si sincères.
— À quoi penses-tu ? J’aimerais savoir.
— Je crois que j’ai peur, répondit-elle plus bas.
— Peur ?
— Du bonheur.
Allant s’asseoir auprès d’elle, il la prit dans ses bras et embrassa le velours de son visage et de son cou.
— Je t’aime, dit-il. Je t’aime, je t’aime !
En guise de réponse, elle se serra contre lui, lui abandonna ses lèvres.
Il retourna ensuite à son siège. Il prit un magazine, elle en fit autant. De temps à autre, leurs veux se croisaient par-dessus leurs revues. Et ils souriaient.
Ils arrivèrent à Douvres peu après 5 heures. Ils devaient y passer la nuit et traverser la Manche le lendemain. À l’hôtel, Théo pénétra dans leur petit salon, suivie de près par Vincent, Celui-ci avait à la main quelques journaux du soir qu’il jeta sur la table. Deux domestiques de l’hôtel apportèrent leurs bagages dans la chambre et se retirèrent.
Théo se détourna de la fenêtre devant laquelle elle s’était arrêtée – et, l’instant d’après, ils étaient dans les bras l’un de l’autre.
On frappa discrètement à la porte. Ils se séparèrent.
— Bon sang ! dit Vincent. Nous ne serons donc jamais seuls !
— En effet, murmura Théo avec un sourire en s’asseyant sur le sofa et en prenant un journal au hasard.
C’était un domestique qui apportait le thé. Il posa son plateau sur la table qu’il approcha ensuite du sofa. Puis, après un coup d’œil professionnel tout autour de la pièce, il s’assura qu’on ne désirait plus rien et se retira.
Vincent, qui était passé dans la chambre voisine, revint dans le petit salon.
— Une bonne petite tasse de thé ! s’écria-t-il gaiement. (Puis, se figeant au milieu de la pièce :) Qu’est-ce qui ne va pas ?
Théo se tenait toute droite sur le sofa, raidie, le regard fixé dans le vague, droit devant elle, le visage exsangue. Vincent s’empressa :
— Qu’y a-t-il, mon cœur ?
Pour toute réponse, elle lui tendit le journal et lui indiqua la manchette.
Vincent lui prit le journal des mains.
« HOBSON, JEKYLL & LUCAS EN FAILLITE », lut-il.
Sur l’instant, le nom de cette grande société londonienne ne lui évoqua rien de précis. Il aurait cependant dû signifier quelque chose pour lui, il en était certain et cela l’irritait. Il adressa à Théo un regard interrogateur.
— Hobson, Jekyll & Lucas, c’est Richard, expliqua-t-elle.
— Ton mari ?
— Oui.
Vincent reprit le journal et lut attentivement les informations qui y étaient exposées sèchement. Des formules telles que « banqueroute soudaine », « graves révélations à prévoir », « autres firmes éclaboussées » lui sautèrent aux veux.
Un mouvement dans la pièce lui fit lever les yeux. Théo était occupée à ajuster son petit chapeau noir devant le miroir. Au geste qu’il fit, elle se tourna vers lui et le regarda droit dans les yeux.
— Vincent…, il faut que je retourne auprès de Richard.
Il sursauta.
— Théo ! Ne sois pas absurde.
Elle répéta, comme un automate :
— Il faut que je retourne auprès de Richard.
— Mais, ma chérie…
Elle montra le journal qui était tombé par terre :
— Cela signifie la ruine… l’effondrement. Je ne peux pas choisir un jour pareil pour le quitter.
— Tu l’avais quitté avant d’apprendre tout cela. Sois raisonnable !
Elle secoua la tête d’un air désolé.
— Tu ne comprends pas. Il faut que je retourne auprès de Richard !
Il ne parvint pas à la faire revenir sur cette décision. Quelle chose étrange qu’une créature aussi douce et souple puisse se montrer aussi inflexible ! Après les quelques premières phrases, elle cessa de discuter. Elle le laissa dire en toute liberté ce qu’il avait à dire. Il la prit dans ses bras dans l’espoir de briser sa volonté par le pouvoir des sens. Mais, quoique sa tendre bouche répondit à ses baisers, il demeurait tout au fond d’elle une force qu’il sentait distante et invincible, capable de résister à tous ses arguments.
Finalement, il la laissa, écœuré et las de ses vains efforts. De suppliant qu’il était d’abord, il devint amer et lui reprocha de ne jamais l’avoir aimé. Cela aussi, elle le reçut sans protester – mais tout son visage, muet et pitoyable, démentait ce dont il l’accusait. À la fin, la rage s’empara de lui : il lui lança les paroles les plus cruelles qui lui vinrent à l’esprit, ne cherchant plus qu’à la meurtrir, qu’à la traîner sur les genoux.
Puis les mots lui firent défaut. Il n’y avait plus rien à dire. Assis, la tête entre les mains, il fixait le tapis de laine rouge. Théodora se tenait près de la porte, ombre noire au visage blanc.
C’était fini.
Elle dit doucement :
— Au revoir, Vincent.
Il ne répondit pas.
La porte s’ouvrit. Se referma.
Les Darrell vivaient à Chelsea, dans une mystérieuse maison du temps jadis, plantée au milieu d’un petit jardin particulier. Devant la maison poussait un magnolia – noirci, sali, souillé –, mais un magnolia tout de même.
En arrivant, quelque trois heures plus tard, Théo s’arrêta un instant sur le seuil de la maison pour contempler l’arbre en fleur. Un sourire douloureux lui déforma fugitivement la bouche.
Elle se rendit immédiatement au bureau, à l’arrière de la maison. Un homme y faisait les cent pas : jeune encore, beau, mais les traits décomposés.
Quand elle entra, il poussa une exclamation de soulagement.
— Dieu merci, te voilà, Théo ! On m’avait dit que tu avais pris une valise et que tu t’en étais allée quelque part en dehors de Londres.
— J’ai appris la nouvelle et je suis revenue.
Richard Darrell lui posa le bras autour des épaules et l’entraîna vers un divan où ils prirent place côte à côte. Théo se dégagea du bras qui l’entourait – d’une façon qui pouvait paraître parfaitement naturelle.
— Est-ce très grave, Richard ? demanda-t-elle posément.
— Ce ne pourrait pas l’être davantage. Ce qui n’est pas peu dire.
— Explique-moi.
Il se remit à arpenter la pièce tout en parlant. Immobile, Théo l’observait. Il ne devait pas savoir que, sans cesse, la pièce disparaissait à ses yeux, que sa voix s’éloignait, tandis qu’elle revoyait en toute clarté une autre pièce – une chambre d’hôtel, à Douvres.
Elle parvint néanmoins à écouter avec suffisamment d’attention. Il revint s’asseoir auprès d’elle sur le divan.
— Heureusement, conclut-il, ils ne peuvent pas toucher à ta dot. Et la maison t’appartient également.
Théo hocha la tête, pensive.
— Il nous restera au moins cela, dit-elle. Dans ce cas, ce ne sera pas trop grave. Un nouveau départ, voilà tout.
— Oh ! oui. En effet.
Mais la voix de Richard rendait un son faux. Et Théo songea subitement : « Il y a autre chose. Il ne m’a pas tout dit. »
— C’est bien tout, Richard ? demanda-t-elle doucement. Tu n’as rien de plus grave à m’apprendre ?
Il hésita une demi-seconde avant de répliquer :
— Pourquoi voudrais-tu qu’il y ait autre chose ?
— Je ne sais pas.
— Tout ira bien, dit Richard, comme s’il cherchait à se rassurer lui-même plutôt qu’à rassurer sa femme. Tout ira très bien. (Tout à coup, il la prit dans ses bras.) Je suis content que lu sois là. Tout ira bien, maintenant que tu es là. Quoi qu’il arrive, je t’ai, n’est-ce pas ?
— Oui, répéta-t-elle avec douceur. Tu m’as.
Cette fois, elle laissa son bras reposer sur ses épaules.
Il l’embrassa, la serra contre lui, comme si son contact lui conférait quelque étrange réconfort.
— Je t’ai, toi, dit-il de nouveau.
Et, comme précédemment, elle répondit :
— Oui, Richard.
Il se laissa glisser du divan sur le sol, aux pieds de Théo.
— Je suis vanné, dit-il d’un ton maussade. Mon Dieu, quelle journée ! Atroce ! Je ne sais vraiment pas ce que je ferais si tu n’étais pas là. Après tout, on n’a qu’une femme, pas vrai ?
Elle se borna à acquiescer d’un geste, sans dire un mot. Il posa la tête sur ses genoux. Le soupir qu’il laissa échapper était celui d’un enfant fatigué.
Pour la deuxième fois, Théo songea : « Il me cache quelque chose. De quoi s’agit-il ? »
D’un geste mécanique, sa main descendit vers la tête sombre qui reposait sur ses genoux, et elle se mit à la caresser gentiment, comme le fait une mère pour consoler son enfant.
Richard murmura indistinctement :
— Tout ira bien, maintenant que tu es là. Tu ne me laisseras pas tomber.
Sa respiration se fit lente et régulière. Il s’était endormi. La main de Théo continuait à lui caresser la tête.
Mais les yeux de Théo regardaient droit devant eux, fixes, plongés dans les ténèbres, pareils à un regard d’aveugle.
— Richard, dit Théodora, tu ne crois pas que tu ferais mieux de tout me raconter ?
C’était trois jours plus tard. Ils se trouvaient au salon, en fin d’après-midi.
Richard sursauta et rougit.
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler.
— Vraiment ?
Il lui lança un rapide coup d’œil.
— Il y a bien sûr quelques… quelques détails, disons.
— Ne penses-tu pas qu’il vaut mieux que je sois au courant de tout, pour pouvoir t’aider ?
Il lui adressa un regard étrange.
— Qu’est-ce qui te fait croire que j’ai besoin de ton aide ?
— Mon cher Richard, je suis ta femme, répondit-elle, un peu surprise.
Il sourit – de son bon sourire de toujours, séduisant, insouciant.
— C’est vrai, Théo. Et ravissante, de surcroît. Je n’ai jamais pu supporter les femmes laides.
Il commença à marcher de long en large, comme il en avait l’habitude lorsque quelque chose le préoccupait.
— En un sens, tu as raison, je ne le nie pas. Il y a quelque chose. Et…
Il s’interrompit.
— Eh bien ?
— Il est tellement difficile d’expliquer ces choses-là aux femmes ! Elles comprennent tout de travers et s’imaginent que les faits sont… ce qu’ils ne sont pas.
Théo ne dit rien.
— Tu comprends, poursuivait Richard, la légalité est une chose, le bien et le mal en sont une autre. Il arrive qu’on fasse une chose parfaitement juste, parfaitement honnête, mais que la loi ne l’envisage pas sous le même angle. Neuf fois sur dix, tout se passe sans anicroche. Et la dixième fois…, on tombe sur un bec.
Théo commençait à comprendre. Elle songea en son for intérieur ; « Comment se fait-il que je ne sois pas étonnée ? L’ai-je toujours su, au fond de moi-même, qu’il n’était pas régulier ? »
Richard parlait toujours, se perdant dans des explications inutilement longues. Théo n’était pas mécontente qu’il masque les détails véritables de l’affaire sous ce manteau de verbosité. Il s’agissait de vastes étendues de terrains en Afrique du Sud. Elle ne tenait pas à savoir avec précision ce que Richard avait fait. Moralement, prétendait-il, tout était droit et irréprochable. Légalement… là, il y avait un petit problème. Enfin, il n’y avait pas à sortir de là : il s’était exposé à des poursuites criminelles.
Tout en parlant, Richard ne cessait de lancer vers sa femme des regards nerveux, mal à l’aise. Il s’embrouillait de plus en plus dans ses explications, s’entêtait à dissimuler ce qu’un enfant eût pu voir dans sa vérité la plus nue. Puis, au milieu de ses efforts pour se disculper, il s’effondra. Peut-être en partie à cause du regard de Théo dans lequel était passé un éclair de mépris. Il se laissa tomber dans un fauteuil, à côté de la cheminée, et se prit la tête dans les mains.
— Voilà, Théo, dit-il d’une voix brisée. Que vas-tu faire, à présent ?
Elle vint à lui après un infime moment d’hésitation et, s’agenouillant auprès de son siège, elle posa son visage sur ses genoux.
— Qu’y a-t-il moyen de faire, Richard ? Que pouvons-nous faire ?
Il l’étreignit.
— C’est bien vrai ? Tu restes avec moi ?
— Bien sûr. Bien sûr, mon ami.
Acculé presque malgré lui à la sincérité, il s’écria :
— Je suis un voleur, Théo ! Voilà ce que cela veut dire, en langage clair. Je ne suis qu’un voleur.
— Dans ce cas, je suis la femme d’un voleur, Richard. Nous sombrerons ensemble ou nous surnagerons ensemble.
Ils gardèrent le silence pendant quelques instants. Puis il retrouva un peu de sa suffisance.
— Tu sais, Théo, j’ai un plan. Mais nous en parlerons plus tard. Il est presque l’heure du dîner. Il faut que nous allions nous changer. Mets ce truc crème que tu as, tu sais bien, ton modèle Caillot.
Théo leva des sourcils interrogateurs.
— Pour une simple soirée à la maison ?
— Oui, oui, je sais. Mais je l’aime bien. Mets cette robe-là, sois gentille. Cela me remontera le moral de te voir dans toute ta splendeur.
Théo descendit dîner dans son modèle Caillot.
C’était une création réalisée dans un brocart crème, avec un léger fil d’or et une discrète touche rose pâle pour raviver le ton crème. La robe était extrêmement échancrée dans le dos. On n’eût pas pu rêver mieux pour faire ressortir l’éclatante blancheur des épaules et de la nuque de Théo. Plus que jamais, elle était une véritable fleur de magnolia.
Le regard de Richard l’enveloppa, chaudement approbateur.
— Très bien ! Tu sais, tu es éblouissante, avec cette robe.
Ils passèrent à table. Toute la soirée, Richard se montra nerveux, peu naturel, plaisantant et riant à tout propos, comme cherchant désespérément à chasser ses soucis. À plus d’une reprise, Théo voulut le faire revenir à la conversation qu’ils avaient engagée précédemment, mais il s’y refusa à chaque fois.
Et puis, au moment où elle se levait pour aller se coucher, il dit tout à coup :
— Non, ne t’en va pas encore. J’ai quelque chose à te dire. Tu sais, à propos de cette triste histoire.
Elle se rassit.
Il se mit à parler à toute vitesse : avec un peu de chance, ils arriveraient peut-être à étouffer l’affaire ; il avait relativement bien assuré ses arrières ; pourvu que certains papiers ne tombent pas entre les mains du liquidateur…
Il s’interrompit d’un air entendu.
— Des papiers ? répéta Théo, perplexe. Tu veux dire que tu vas les détruire ?
Richard grimaça.
— Je les détruirais sur-le-champ s’ils se trouvaient en ma possession. C’est là que le bât blesse !
— Et qui les détient ?
— Un homme que nous connaissons tous les deux. Vincent Easton.
Une exclamation à peine perceptible échappa à Théo. Elle se reprit aussitôt, mais Richard avait remarqué sa réaction.
— Il y a longtemps que je le soupçonne d’être au courant de pas mal de choses. C’est pourquoi je l’ai invité ici. Tu te rappelles peut-être que je t’ai demandé d’être gentille avec lui ?
— Je me rappelle.
— Je ne sais pourquoi, je ne suis jamais parvenu à me lier d’amitié avec lui. Mais toi, par contre, il t’aime bien. Je dirais même qu’il t’apprécie beaucoup.
— C’est exact, dit Théo d’une voix claire.
— Ah ! dit Richard, satisfait. Parfait. Je suppose que tu vois où je veux en venir. Je suis convaincu que si tu allais trouver Vincent Easton pour lui demander de le remettre ces papiers, il ne refuserait pas. Les jolies femmes, tu sais, ça obtient beaucoup de choses…
— Je ne peux pas faire cela, coupa précipitamment Théo.
— Pourquoi pas ?
— C’est hors de question.
Le rouge montait aux joues de Richard, par plaques. Elle sentait la colère gronder en lui.
— Ma petite, je crois que tu ne comprends pas exactement où en est la situation. Si tout cela sort au grand jour, je suis passible de prison. C’est la ruine. Le déshonneur.
— Vincent Easton ne fera pas usage de ces papiers contre toi. J’en suis sûre et certaine.
— Là n’est pas la question. Il se peut qu’il ne se rende même pas compte qu’ils m’incriminent. Ce n’est que par rapport à… à mes affaires… à certains chiffres qu’ils ne manqueront pas de découvrir. Oh ! je ne peux pas te donner tous les détails. Il risque de provoquer ma ruine sans le savoir, à moins que quelqu’un ne lui expose les faits.
— Tu peux certainement lui demander cela toi-même. Écris-lui.
— Bravo pour cette brillante suggestion ! Non, Théo, non. Nous n’avons qu’un seul espoir. Tu es mon seul atout. Tu es ma femme. Tu dois m’aider. Va trouver Easton ce soir même.
Théo poussa un cri.
— Pas ce soir ! Demain, peut-être.
— Bon sang, Théo, vas-tu enfin comprendre ! Demain, il sera peut-être trop tard. Il faudrait que tu partes maintenant. Tout de suite.
La voyant défaillir, il tenta de la rassurer.
— Je sais, ma chérie. C’est terriblement désagréable à faire. Mais c’est une question de vie ou de mort. Théo, tu ne vas pas me lâcher ? Tu m’as dit que tu ferais n’importe quoi pour me venir en aide.
Théo s’entendit répondre d’une voix dure, sèche :
— Pas cela. Il y a des raisons.
— C’est une question de vie ou de mort, Théo. Je pense ce que je dis. Regarde.
Il ouvrit brutalement un tiroir de son bureau et y prit un revolver. Elle ne remarqua pas ce que ce geste avait de théâtral.
— De deux choses l’une : tu y vas ou je me tue. Je suis incapable d’affronter le scandale. Si tu ne fais pas ce que je te demande de faire, je serai un homme mort avant demain matin. Je te jure solennellement que c’est la vérité.
— Non, Richard ! Pas cela !
— Alors, aide moi.
Jetant le revolver sur la table, il s’agenouilla à ses côtés.
— Théo, ma chérie… Si tu m’aimes… Si tu m’as jamais aimé… Fais cela pour moi. Tu es ma femme, Théo. Je n’ai personne d’autre vers qui me tourner…
Finalement, Théo s’entendit répondre :
— Très bien. J’y vais.
Richard l’accompagna jusqu’à la porte et la mit dans un taxi.
— Théo !
Vincent Easton sursauta, ne pouvant croire à son bonheur. Elle était là, dans l’embrasure de la porte, son étole d’hermine blanche drapée sur les épaules. Vincent Easton ne l’avait jamais vue aussi belle.
— Alors, tu es quand même venue !
Il se précipitait vers elle – mais elle l’arrêta du geste.
— Non, Vincent. Ce n’est pas ce que tu penses. (Elle parlait d’une voix rauque, précipitée.) Je viens ici de la part de mon mari. Il croit savoir que tu possèdes certains documents susceptibles de lui… faire du tort. Je te demande de me les remettre.
Vincent demeura immobile, les yeux fixés sur elle. Puis il émit un petit rire bref.
— C’est donc cela ! Il y a un bon moment, déjà, que cela va mal pour Hobson, Jekyll & Lucas. J’ai été chargé d’enquêter sur l’affaire. À vrai dire, je soupçonnais un sous-fifre quelconque. Je n’avais pas songé à regarder du côté de la tête.
Théo resta muette. Vincent la regarda avec curiosité.
— Pour toi, cela ne fait aucune différence ? demanda-t-il. Le fait que ton mari soit… un escroc, pour parler en termes clairs ?
Elle secoua la tête.
— Cela me dépasse, dit Vincent. (Puis il se hâta d’ajouter :) Attends deux minutes, je vais chercher les papiers.
Théo s’assit. Il passa dans la pièce voisine, puis revint et lui présenta un petit paquet.
— Merci, dit Théo. Tu as une allumette ?
Prenant les allumettes qu’il lui offrait, elle s’accroupit devant la cheminée. Quand les papiers furent réduits à un tas de cendres, elle se releva.
— Merci, dit-elle de nouveau.
— Il n’y a pas de quoi, répondit-il d’un ton compassé. Je vais t’appeler un taxi.
Il l’aida à monter en voiture, regarda le taxi s’éloigner. Quelle étrange entrevue, étrange et conventionnelle… Le premier instant passé, ils n’avaient même pas osé se dévisager. C’en était fait. C’était terminé. Il s’en irait, très loin, et s’efforcerait d’oublier.
Passant la tête par la fenêtre, Théo s’adressa au chauffeur de taxi. Elle se sentait incapable de retourner directement à la maison, à Chelsea. Il fallait qu’elle respire le grand air. Le fait de revoir Vincent l’avait bouleversée. Si seulement… si seulement… Mais non. Elle se ressaisit. Si elle n’éprouvait aucun amour pour son mari, elle se devait néanmoins d’agir correctement à son égard. Il avait des difficultés, il fallait qu’elle l’épaule. En dépit de tout ce qu’il avait pu faire par ailleurs, il l’aimait. Le forfait qu’il avait commis était un crime contre la société. Pas contre elle.
Le taxi suivait les larges méandres des rues de Hampstead. Il déboucha bientôt dans le Heath et une bouffée d’air frais, revigorant, frappa Théo au visage. Elle se sentait de nouveau maîtresse d’elle-même, à présent. Le taxi reprit à vive allure le chemin de Chelsea.
Richard sortit dans le hall, à sa rencontre.
— Eh bien ! dit-il, cela a duré longtemps !
— Vraiment ?
— Mais oui, très longtemps. C’est… c’est arrangé ?
Il lui emboîta le pas, les mains tremblantes et le front sournois.
— Alors, c’est… en ordre ? insista-t-il.
— Je les ai brûlés de mes propres mains.
— Oh !
Elle entra dans le bureau, s’effondra dans un fauteuil. Son visage était livide et son corps, recru de fatigue. « Si seulement je pouvais m’endormir et ne plus jamais, jamais me réveiller ! » se dit-elle.
Richard l’observait. Son regard, gêné et furtif, ne cessait d’aller et venir. Elle ne remarquait rien. Elle n’était plus à même de remarquer quoi que ce fût.
— Donc, tout s’est bien passé, hein ?
— Je viens de te le dire.
— Tu es sûre que c’étaient bien les documents en question ? Tu as regardé ?
— Non.
— Mais dans ce cas…
— Je te dis que j’en suis certaine. Ne me harcèle pas, Richard. Je suis à bout de forces.
— Oui, oui, je m’en rends compte, dit Richard en remuant nerveusement.
Il ne tenait pas en place. Au bout d’un moment, il s’approcha d’elle, lui posa la main sur l’épaule. Elle se dégagea.
— Ne me touche pas. (Puis, s’efforçant de rire :) Excuse-moi, Richard. J’ai les nerfs à fleur de peau. Je ne supporte pas le moindre contact.
— Je vois. Je comprends.
Et il se remit à arpenter la pièce.
— Théo, dit-il brusquement, je te demande pardon.
— Quoi ? dit-elle, levant les yeux d’un air vaguement surpris.
— Je n’aurais pas dû te laisser aller là-bas à cette heure de la nuit. Je n’imaginais pas que tu aurais à subir des… désagréments.
— Des désagréments ? (Elle éclata de rire. Le mot paraissait l’amuser.) Tu ne peux pas savoir ! Oh ! Richard, tu ne peux pas savoir !
— Je ne peux pas savoir quoi ?
Elle répondit très gravement, en regardant droit devant elle :
— Ce que cette soirée m’a coûté.
— Mon Dieu ! Théo !… Je n’aurais jamais pensé… Tu… tu as fait cela, pour moi ? Le porc ! Théo… Théo… Je ne pouvais pas savoir… Je ne pouvais pas deviner… Mon Dieu !
Il s’était agenouillé devant elle, balbutiant, l’entourant de ses bras. Elle finit par se tourner vers lui et le considéra avec un peu de surprise, comme si ses paroles venaient seulement de pénétrer jusqu’à sa conscience.
— Je… je n’avais pas l’intention…
— L’intention de faire quoi, Richard ? (Son intonation le fit sursauter.) Dis-moi. Quelle est cette intention que tu n’as pas eue ?
— Théo, n’en parlons pas. Je ne veux pas savoir. Je ne veux plus jamais y penser.
Elle le regardait en face, à présent, tout à fait réveillée et maîtresse de toutes ses facultés. Et c’est d’une voix claire et distincte qu’elle poursuivit :
— Tu n’as pas eu l’intention de… Mais que crois-tu qu’il soit arrivé ?
— Ce n’est pas arrivé, Théo. Disons que ce n’est pas arrivé.
Elle scrutait toujours son visage, et la vérité finit par lui apparaître.
— Tu penses que ?…
— Je préfère ne…
Elle l’interrompit :
— Tu te dis que Vincent Easton ne m’a pas donné ces lettres pour rien ? Tu te dis que je l’ai payé le prix qu’il souhaitait ?
— Je… Jamais je n’aurais cru qu’il était homme à faire cela, dit faiblement Richard, sans aucune conviction.
— Vraiment, tu ne l’aurais jamais cru ?
Elle plongea dans ses yeux un regard inquisiteur qu’il ne put soutenir. Il baissa les yeux.
— Pourquoi m’as-tu demandé de mettre cette robe, ce soir ? Pourquoi m’as-tu envoyée chez lui toute seule, à une heure aussi tardive ? Tu avais deviné qu’il… était attiré par moi. Tu as voulu sauver ta peau. La sauver à n’importe quel prix. Fût-ce au prix de mon honneur. (Elle se leva.) Je comprends, à présent. Tu as pensé à cela depuis le début. Ou, du moins, tu as entrevu cette possibilité et cela ne t’a pas fait hésiter.
— Théo !
— Tu ne peux pas dire le contraire, Richard. Voilà des années que je croyais savoir presque tout ce qu’il y a à savoir à ton sujet. J’avais très vite compris que tu n’étais pas droit vis-à-vis du monde. Mais je m’imaginais que tu étais correct envers moi.
— Théo…
— Peux-tu contester tout ce que je viens de dire ?
Il demeura muet.
— Écoute-moi, Richard. J’ai quelque chose à te dire. Il y a trois jours, quand cette affaire a éclaté, les domestiques t’ont dit que j’étais partie, que j’avais quitté la ville. Ce n’était que la moitié de la vérité. J’étais partie avec Vincent Easton.
Richard émit un son inarticulé. Elle leva la main pour l’interrompre.
— Attends. Nous nous trouvions à Douvres. J’ai vu un journal, j’ai compris ce qui s’était passé. Et, comme tu le sais, je suis revenue.
Elle se tut.
Richard la saisit par le poignet et, la transperçant d’un regard enflammé :
— Tu es revenue… à temps ?
Elle fit entendre un bref éclat de rire amer.
— Oui, je suis revenue « à temps », comme tu dis, Richard.
Il lâcha son bras. Puis, debout près de la cheminée, il rejeta la tête en arrière, en une attitude assez belle – presque noble.
— En ce cas, dit-il, je peux te pardonner.
— Pas moi.
Ces deux mots claquèrent comme deux coups de fouet. Dans le silence de la pièce, ils produisirent l’effet d’une bombe. Richard fit un pas en avant, l’œil fixe, la bouche ouverte, l’air presque comique.
— Tu… euh !… Qu’as-tu dit, Théo ?
— J’ai dit que moi, je ne pouvais pas pardonner. En te quittant pour un autre homme, j’ai mal agi – pas de manière effective, sans doute, mais en intention, ce qui revient au même. Mais si j’ai fauté, au moins était-ce par amour. Toi non plus, tu ne m’as pas toujours été fidèle, depuis que nous sommes mariés. Si, si, je le sais bien. J’ai toujours pardonné parce que je croyais réellement à ton amour pour moi. Mais ce que tu as fait ce soir, c’est tout autre chose. C’est une ignoble action, Richard, qu’aucune femme ne devrait jamais pardonner. Tu m’as vendue, moi, ta propre femme, en échange de ta sécurité !
Elle empoigna son étole et se dirigea vers la porte.
— Théo, articula-t-il, où vas-tu ?
Elle le regarda par-dessus son épaule.
— Dans la vie, Richard, nous devons tous payer. Pour prix de ma faute, je suis condamnée à la solitude. Pour la tienne…, eh bien ! tu as joué la femme que tu aimes – et tu as perdu.
— Tu t’en vas ?
Elle respira profondément.
— Vers la liberté. Rien ne me retient ici.
Il entendit la porte se fermer. Des siècles s’écoulèrent… ou n’était-ce que quelques minutes ? Quelque chose voleta derrière la fenêtre. Le dernier pétale de magnolia. Doux, parfumé…
(Traduction de Dominique Mols)